12 OCTOBER 1934, Page 12

RAISINS DE FRANCE

[D'UN CORRESPONDANT PARISIEN]

CE n'est un secret pour personne que les industries et les coxnmerces dont l'objet n'etait point de necessite vitale ont ete, dans l'ensemble,, durement touches par la crise mondiale. L'alimentation elle- meme, qui paraissait, entre toutes les branches de l'activite humaine, .occuper une place privilegiee, a subi, non sans dommages douloureux, les atteintes de l'immense depression economique. L'exportation des vins francais, pour ne prendre, chez nous, qu'un exemple significatif, a ete non seulement rendue impossible pendant de longues annees par la prohibition americ.sdne, mais se trouve actuellement paralysee par la progressive devaluation de certaines grandes devises etrangeres. La mevente qui en resulte constitue, indeniablement, une menace grave pour notre industrie vinicole. Aussi, de toutes parts, les pouvoirs .publics, aussi bien que les initiatives privees, ont-ils tente de reagir.

La lutte presentement amorcee semble assez nette- ment s'orienter dans un sens qui pourra passer pour quelque peu imprevu. Nous assistons en effet non pas tellement a une croisade en faveur du yin qu' A, une croisade en faveur du raisin. S'etant rendu compte que l'exportation des grands crus, ou meme leur vente en France, etait singulierement compromise par la durete des temps, sans doute a-t-on estime plus sage d'envoyer moMs de grappes au pressoir qu'au marche. C'est la sagesse qui ne va point sans un tantinet d'heroisme. Tous ceux qui aiment le yin, non pas en ivrognes, ni en gourmands, mais en gourmets, s'affligeront de penser a la " crise " des legers et clairs Bordelais, des dores et rayonnants Angevins, des chaleureux Bourgognes enfin, princes des vins de France, avec leur bouquet, leur generosite et leur rude franchise.

'La medaille, ici, n'a, heureusement, pas qu'un revers. Et il est agreable d'envisager l'essor que ne manquera probablement point de prendre le raisin, sous l'impulsion que lui impriment de nombreuses bonnes volontes. La campagne a commence par la creation de plusieurs stations uvales, tant dans les. moindres bourgs que dans les grandes vales. A Paris, la plus coquette et la plus connue de ces stations est, vraisemblablement, celle de la gare Saint-Lazare, oit les voyageurs britanniques degustent avec un plaisir non feint des grappes de choix et un pur jus de raisin, premier ambassadeur, discret, du pampre national. La croisade s'est egalement manifestee par des corteges costumes et des defiles evocateurs. Elle a atteint, enfin,- son apogee samedi et dimanche derniers, grace aux fetes parisiennes organisees l'occasion—sensationnelle—de la premiere vendange re- coltee sur le domaine de la commune libre de Montmartre.

Ces fetes ont rev etu diverses formes, dont la moms gracieuse n'a pas ete la distribution de magnifiques grappes aux accortes midinettes de la rue de la Paix et du quartier 'de l'Opera. Ce fut un frais envol de minois impatients, quand, a, midi, les portes des maisons de couture s'ouvrirent et que les coibeilles amassees sur la Place Vendome livrerent leur richesse parfumee a. tant de doigts avides. La 'contribution officielle Sc trouva fournie par la remise au President de la Republique, en son palais de l'Elysee, d'une corbeille de raisin de Thomery. Un cortege, pittoresquement compose a la gloire de in vigne, defila ensuite dans les rues de la capitale, et l'apres-midi fut employe a des largesses uvales dans les .ecoles et les hopitaux. Ainsi se clotura une saison, oii l'innovation se nnanga de gaite, s'il est vrai que, pour parodier le proverbe uva &Pea