12 SEPTEMBER 1935, Page 15

Angleterre—Provence

[D'un correspondant francais] LA journee du 1°C ^ septembre dernier a vu, sous tin ciel gracicusement favorable, se derouler, dans le Midi de in France, des fetes franco-anglaises d'un rare pittorcsque, oh in gaiete des rejouissances populaires s'cst color& d'un interet his- torique particulierement vif. 11 s'agissait de celebrer he septieme centenaire du mariage d'Eleanore dc Provence avec he roi d'Angleterrc Henri III Plantagenet. Le souvenir de pretexte d'une retrospective riche

cette union lointaine a etc le

d'entrain et d'eclat, dam he decor agreste de la jolie bourgade de Forcalquier.

An lupt i s,d a i s 1 a r population ocl

Forcalquier, qui n'est guere plus aujourd'hui qu'un petit

a ie

chef-lieu d'arrondissement cdaelesaBassceosn-

clairsemee sur unee conic ire

et In gloirc des capitales de domaines seigneuriaux. Simple groupernent, a l'origine, de xnaisonnettes baties autour d'un

four a chaux—furnus calearivs, Petymolagie du nom de Ia localite—Forcalquier ne tarda pas a acquerir du prestige eta devenir, des he debut du onzierne sieele, in vile niaitressc d'un comte provencal. La Provence, qui n'est, on le salt, que le fragment oriental de l'ancienne Province Romaine connue plus tard sous le nom de Narbonnaise, s'etait en effet vite disloquee, au cours du moyen Age, sous le choc des invasions barbares. Longtemps affaiblie, elle n'avait repris de force qu'en devenant, a in suite d'une alliance contractee en 1112, Ia possession des comtes de Barcelone. L'un de ceux-ci, Raymond-Berenger IV, pere de la future reinc d'AngIcterre, etait un prince brillant, ami du " gay seavoir," ainsi qu'on designait alors la poesie des trouveres et des troubadours, et dont les initiatives furent souvent heureuses. On lui doit, entre autres, la fondation de la villc de Barce- lonnette, qu'il fit batir en memoire du grand port catalan, berceati de ses ancetres. Raymond-Berenger avait quatre files, qui—curieuse rencontre—dcvaient, toutes quartre, epouser un roi. Celle dont it est ici question, la eadette, Eleanore de Forealquier, etait file de la comtesse Beatrice de Savoie, &cur de la reine Marguerite de France, laquelle avait, en 1226, spouse Louis IX, elle allait elle-mem e devenir reine d'Angleterre par son mariage, en 1235, avec Henri On dolt a la Write de reconnaitre que cette alliance ne fut pas, sans dente, telle que le peuple anglais avait pu Ia souhaiter. La nouvelle souveraine n'etait point sotto. Elle passait merne pour avoir de ('esprit et des lettres, et l'on conserve d'ellc, en France, une poesie de style heroique, redigoe en langage pro- vencal, oh se retrouvent les qualites de vigueur et d'intelligenee qui ont fait inscrire Beatrice et Raymond-Berenger au Parnasse felibrige. Mais elle etait ardente et autoritaire, et !'influence qu'elic prat rapidement sur le roi ne tarda pm a orienter ce dernier vers une politique de xenophile bien peu conforme aux vcrux de son peuple. Ce fut la periode de 1'" invasion" savoy- arde et meridionale, et de l'aseension du celebre Simon dc Montfort, lequel devait, avec tant d'eelat, se revolter contra son bienfaiteur. Eleonore, coupable d'avoir favorise cxclu- sivement ses compatriotes, eneourut bientet une telle

im-

popularitc qu'elle fut maltraWc, en pleine rue de Londres, par la populace. En 1276, desabusee, elle prcnait to voile au monast ere d'Amesbury, oh elle mourut quinze [ins plus he temps, ici cornme en tout lieu, a fait aujourd'hui son oeuvre, tard.

Quoi qu'il en snit,

et ha posteritii ne veut plus se souvenir que d'un fait : c'est qu'Eleonore de Provence fut In mere d'Edouard 1"r. Pun des plus grands rois qui aient marque les destine do in nation anglaise. Les fetes de Forcalquier, par Penthousiasme qu'elles ont souleve, en ont etc une nouvelle preuve. La fouls des touristes britanniques qui, en dehors des personnalites officielles, est aceourue de tous les sites de In Cote d'Azur pour assister au cortege chamarre des quartre reines et de leur suite juvenile, n'a point manqué. de souligner de ses bravos les discours qui, prononces en anglais, en francais et en langue d'oc, viennent de nous offrir un temoignage

touchant de l'amitie anglo-proveneale. R. L. V.