14 SEPTEMBER 1934, Page 12

LA CEINTURE DE PARIS

[D'UN CORRESPONDANT FRANcIAIS]

ON sait que Paris, jadis entoure d'une ceinture serree de fortifications, s'est vu progressivement, au cours des dernieres annees, delivre de l'oppression genante qu'elles exercaient sur lui. L'un apres l'autre, les bastions ont cede sous la pioche des demolisseurs, et les remparts aux contours-parfois capricieux ont disparu, pour faire place a de vastes boulevards, au trace implaca- blement geometrique. Cette configuration nouvelle de la peripherie de Paris n'a point suffi—remarquons le tout de suite—a souder dune facon homogene la banlieue sa metropole. Paris a perdu sans doute son aspect de place forte, mais it n'a point renonce a l'orgueil de sa personnalite. •Bien que la, separation entre les fau- bourgs et Ia capitale se borne desormais a une simple ligne administrative, il est aise de recommitre, a plus d'un sign, le point exact de franchissement. Ne flit-ce qu'a l'ampleur des avenues circulaires construites sur remplacement des anciennes -murailles, le voyageur saurait qu'il penetre dans la Ville. Ainsi se perpetue la difference essentielle entre l'urbanisme de Paris et 'caul de Londres, ou les faubourgs se fondent si intimement avec la metropole gull est presque impossible d'en fixer les contours.

Cette ligne de boulevards qui a, indiseutablement, degage ragglomeration parisienne, parait appelee, dans un avenir assez proche, a jouer un role primordial en ce qui concern raeration de la capitale. Nous n'en voulons d'autre preuve que la creation toute recente, boulevard Mortier, entre les portes de Menilmontant et de Vincennes, d'un immense jardin d'enfants. C'est le premier en son genre qu'ait institue la Vile de Paris, et l'innovation merite qu'on s'y attarde quelque peu.

Les pares parisiens existants jusqu'a ce jour n'avaient point, en effet, comme Ia plupart, d'ailleurs, des jardins du monde cutler, etc concus specialement pour lajeunesse. Les frondaisons du Luxembourg voisinent avec rarehi- tecture austere du Palais du Senat, et qu'il s'agisse des Buttes Chaumont, du Parc Monceau ou des Tuileries, aucune zone particuliere n'y protege la reverie ou les jeux des tout petits contre les incursions des grander personnes. A parler franchement, les enfants ne sont nulle part chez eux. L'impression dominance est, en quelque sorte, qu'on les tolere dans deS jardins d'adultes.

Les Miles parisiens ont estime, non sans justesse, que cette conception etait, pour le morns, paradoxale, et ils se sont " efforces d'agir dans un sens entierement neuf. Deux essais furent d'abord tentes," dans Paris meme, au quartier latin l'un pres du square Viviani ; l'autre, non loin de reglise St. Severin. Mais les jardinets ainsi trees disposaient d'un espace par trop reduit. II .fallait voir plus waste, pour' que roeuvre veclit. Le choix de la municipalite se porta .alors sur la ceinture .de. Paris, et c'est ainsi que naquit le Jardin d'Enfants du Boulevard Mortier.

Aujourd'hui termine, ce pare, d'une immense superficic, est le lieu de rendez=vous de toute une jeunesse, surprise et ravie de se connaitre enfin un "domain veritable. Deux zones nettement. tranclaees le constituent : la plus petite, situ& dans la partie basse et richenient Ombra& du terrain, s'offre au repos meditatif des "grander personnes qui accompagnent .les bambins; tout le reste due jardin est le fief absolu des enfants. Bs trouvent la des esplanades infinies, deux larges pieces d'eau, des enclos pleins de sable, une atmosphere, surtout, de lumiere et de liberte que ne vient troubler aucune inutilite architecturale et qui fait de ce jardin un delice