16 JUNE 1933, Page 11

La France a la Conference

[D'UN CORRF-SPONDANT FRANVAIS.] ATORT ou a raison, on nous attribue, &nous, Francais, un sens critique tres developpe. Eloge ou blame, admettons que ce soit.vrai. On va plualoin. Nous serious des sceptiques inveteres et certains nous reprochent deja de manquer de foi dans les resultats possibles de la Conference economique mondiale.

Certes, nous voyons les difficultes de l'entreprise, mais nous apprecions pareillement la grande et humaine penste.le,dont elle procede, et it n'est pas un Francais qui n'ait adhere, dans l'intimite de sa conscience, an noble langage • qu'a tenu lundi dernier, sa Majeste le Roi George V., dans son discours inaugural.

Quelle est done l'attitude de la France en face des problemes qui se posent aux deliberations des 66 nations representees a Londres ? En declarant. a la fin de son discours, mardi matin que "les peuples ne trouveront leur saint ,que dans leur volonte commune de restaurer la confiance universelle par leur libre et, loyale collabora- tion," M. Edouard Daladier, President du Conseil, a traduit le sentiment de tons les Francais et apporte, en !nettle temps, l'assurance que son gouvernement entendait dormer, de plein coQur, cette libre et loyale cooperation. .

Voila pour les dispositions d'esprit et le. sentiment general. Mais, passons aux faits. La France. se presente a la Conference avec une monnaie stable, same,. intacte, et avec la ferme determination de la sauvegarder. En agissant ainsi, elle ne cede pas a une poussee d'orgueil et ne se preoccupe pas exclusivement d'interet personnel. II lui apparait qu'elle rend service au reste du monde en maintenant un " canton " oh. les capitaux se sentent en securite. Nous considerons, qu'on agissant autrement, now ajouterions au chaos general et nous compromet- trions le.sort de tous, les efforts que ,se ,propose de tertte,r in Conference de Londres sur le plan international. La delegation francaise juge done qu'il lui faut plaider la cause de la stabilite monetaire, qu'elle ne doit pas se preter a une nouvelle devaluation de sa monnaie et qu'elle sert l'interet de tons en reclamant une stabilisa- tion de fait de la livre et du dollar. Il y a la, juge-t-elle, une condition prealable de toute tentative de relevement des prix et de toute reorganisation commerciale visant a retablir le libre fonetionnement des echanges dont le mecanisme est actuellement enraye. Dans le meme ordre d'idees, elle pense enfin que la stabilisation des devises qui doit entminer la suppression des restrictions de change est directement lice au reglement des dettes. An point de vue economique, enfin, la France s'est déjà associee a la treve douaniere, car elle n'ignore pas que le commerce mondial souffre du protectionnisme auquel tous les Etats ont peu a peu recouru pour defendre leur production et leurs marches.

II faut pourtant ne point oublier que la France est un pays essentiellement agricole, oh la propriete est tres morcelee et que eels souleve de tres serieuses cultes pour organiser le controle de la production. II faut qu'on se rende compte—car c'est la un probleme fondamental—que lorsque, dans une libre democratic comme la France, les pouvoirs publics veulent s'associcr a une action commune internationale, ils doivent avant tout concilier les interets des agriculteurs ct ceux des industriels. C'est dans cette difficulte que residera l'embarras de la delegation francaise, mais • ce qu'on peut affirmer sans la moindre hesitation, c'est que la France ne songe pas a se replier sur elle-meme. Elle est resolue a apporter sa pierre a l'edifice commun. Ferme sur la question monetaire, elle est prete aux sacrifices dans le domaine economique et on peut etre assure qu'elle respecters loyalement la paix economique a laquelle elle aura donne sa signature.