17 JANUARY 1936, Page 16

Sainte Genevieve

ON a souvent tendanee a se repeesenter la population parisienne °mime legere, gouailleuse et meme versatile. Cel est, pent-etre parfois, l'un de ses aspects les plus super- ficiels ; mais celui qui voudrait prendre la peine de sender he eoeur de cette foule, ne manquerait point d'y decouvrir des tresors insoupeonnes de recueillement et de fidelite, dans he culte, notamment, du souvenir et le respect de la tradition. N'en prenons pour exemple que les ceremonies qui viennent, dimanche dernier, de se terminer, is l'eglise St. Etienne-du- mont, stir la time meme du Quartier Latin. Depuis un temps immemorial, on célèbre cheque annee, en ce temple, du 3 au 12 janvier, la neuvaine de Sainte Genevieve. Paris se presse en foule pour assister aux offices religieux consacres is la memoire de celle qui la sauva jadis et is qui la population a toujours recours quand un danger public la menace. Les fideles se prosternent nombreux devant la chasse et les reliques de- leur protectrice, implorant son intercession pour que s'evanouissent les perils et pre soft instaure he regne de la paix. Les visiteurs qu' attire rituellement, a cette date, dans ces parages, le culte de Sainte Genevieve, sont, en general, tres vivement interesses par les tableaux qui decorent interieur du Pantheon et qui representent, en ses differents episodes, la vie de la patronne de notre capitate : Sainte Genevieve naquit is Nanterre, vers fan 420 et mourut is Paris, en 512. Fille de cultivateurs, elle garde les troupeaux au tours de son enfance. Elle etait toute jeune encore, quand Saint Germain, eveque d'Auxerre, envoye par Ic pape en Grande Bretagne (430), la rencontra, pros de Paris, la benit et la consacra Dieu. De retour en Genie, le prelat la defendit contre les attaques des calomniateurs qui voulaient In perte de cette jeune fille, dont les vertus imposaient déjà In veneration et l'admiration. Quand les Huns menacerent Paris, Genevieve donna aux habitants l'assurance gulls n'auraient rien souffrir de la part d'Attila, et sa parole se realise. Elle devint Ia conseillere du roi Chilperic. On dit meme qu'elle cut untie grande part dans la conversion de Clovis.

Apres sa mort, ses restes furent enfermes dans un tomberni de pierre, en l'eglise Saint-Pierre-et-Saint Paul, qui s'elevait alors a l'endroit meme oh se trouve aujourd'hui, he Pantheon, et qui prit, de ce fait, le nom d'eglise Sainte- Genevi eve.

En 1754, Louis XV avait fait voeu d'edifier en l'honneur de Ia sainte, tine eglise nouvelle. La construction n'en etait pas achevee, lorsque l'Assemblee Constituante decreta que l' edifice serait desorrnais, sous le nom de Pantheon, destine is recevoir les cendres des grands hommes de la liberte franeaise, tels que Mirabeau, Voltaire, J.-J. Rousseau. Ce temple fut, a plusieurs reprises, rendu an culte, avant d' titre reaffecte is la sepulture des hommes illustres.

La chasse qui contenait le corps de Sainte Genevieve avait une valeur immense : elle etait en or et semee de nombreux et precieux bijoux. Elle subit he sort de presque toutes les chasses en France, a l'epoque de la Revolution ; elk fut profane ; on la fondit a la Monnaie et les reliques qu'elle contenait furent bralees cn place de Greve. Les quelques ossements qui echapperent aux Hammes furent reeueillis et de'poses, ainsi que la pierre tombale, en l'eglise Saint-Etienne- du-Mont, oh on les venere encore de nos jours.

Lorsque, an debut de la grande guerre de 1914, une nouvelle horde de Huns, menaea Paris, la population, d'instinet, tourna ses regards vers Sainte Genevieve et ['implore avec ferveur, lui demandant de proteger la cite. Ce fut, alors, la victoire de In Marne. Les Parisiens voulurent voir, en eet evenement miraculeux, un gage evident de ('intervention de la patronne de leur ville. Aussi, des la conclusion de la paix, se firent-ils un devoir de reconnaissance de souscrire en masse en vue de ('erection dune statue—imposant ex-voto—a mile qui, use fois de plus, venait de lea sauver. Ce monument a etc erige, non loin de Notre-Dame, sur he pont de La Tour- nelle. Du haut de son piedestal etroit, la sainte, le regard tourne vers la route de l'envahisseur, semble, par sa seule presence, donner au cocur superstitieux de son peuple,. l'assurance dune surnaturelle protection.

R. L. V.