18 MAY 1934, Page 13

ART AMBULANT

[D'UN CORRESPONDANT FRANcAISJ

LA crise mondiale, qui, apres avoir exerce ses ravages sur les pays les plus divers, s'est abattue a son tour, it y a un peu plus de deux ans, sur la France, a atteint durement, -on le snit, -les industries de luxe, qui constituaient l'un des fleurons les plus brillants de notre eouronne commerciale. La necessite generale de sacrifier le superflu a eu pour consequence progressive une reaction severe contre tout cc que ''on appelait d'un joli nom syrnbolique "''article de Paris." /dais si la ferocite des temps a sevi sur le plan mi-luxueux, mi-utilitaire des colifichets et des ornements de gout, quc dire du domain purement artistiquc, ou • elle s'est achamee impitoyablement ? - Graveurs, peintres, sculpteurs et decorateurs figurerent, des le debut, an nombre des plus frappes. En vain organiserent-ils, aux epoques traditionnelles, des salons, ou encore des expositions locales a l'occasion des braderies de quartier, le public ne repondit quc mollement a leur appel. Inviter les gens a venir admirer de belles oeuvres ne suffisait point ; it efit fallu, pour avoir quelques chances de provoquer le reflexe d'achat, transporter ces m 'ernes oeuvres sous les yeux de l'eventuel client. Il cut fallu, en d'autres termes, inverser le probleme, et, puisque l'acheteur ne venait pas a l'oeuvrc d'art, faire venir l'oeuvre d'art a l'achetenr.

Cette conception dune csthetique adapt& a la crise, d'une fawn de technique ambulante, et d'art vagabond, n'allait pas sans soulever de redoutables details dorganisa- tion. La question du transport &Mt, entre toutes, Ia plus delicate. II n'a pas fallu moins de l'autorite du Directeur general des Chemins de fer de l'Etat et des services ministeriels des Beaux-Arts pour resoudre les ultimcs difficult& et permettre la realisation de cette entreprise, d'une hardiesse si neuve, et d'oit les artistes franeais esperent tant pour l'avenir.

II s'agit d'un Salon-roulant, c'est-it-dire d'un train special, compose de six wagons amenages en voitures- expositions, qui, le 1l juin prochain, quittera, pour la premiere fois, Paris, en vue d'un important periple, lequel, par Versailles, Le Mans, la Bretagne et in Vendee, le conduira jusqu'it Bordeaux, d'oit it regagnera ensuite la capitate par Angouleme, Poitiers, le val de Loire et la Beauce.

Le train-salon sejournera une moyenne de trois jours dans cheque vile ou tin arret aura ete prevu. Un con- ferencier presentera et commentera les statues ou tableaux exposes. La visite du train s'accomplira avec le maxi- mum de confort. Les voitures ont ete, en effet, coneues dans un esprit tout it fait moderne, avec eclairage nuance, tentures, decors et tapis. Le passage d'un wagon a J'autre s'effectuera sans heurt, si bien que ''ensemble donncra vraiment 'Impression d'une immense galerie mobile. Au fur et a mesure des achats, que les organisa- teurs et; plus encore, sans doute, les exposants eux-memes, souhaitent nombreux, les pieces enlevees seront rem- placees par d'autres oeuvres tenues en reserve dans un fourgon special. Quant it In selection des oeuvres, elle sem assuree, avec Ia plus totale impartialite, par les dirigeants des diverses societes ayant participe aux recents salons, et scion un pourcentage rationnel base sur le nombre de leers adherents.

On nc pent que desirer un hcureux et fructueux voyage an beau train de reve qui s'en va, dans quelques semaines, partir sur les rails de France, emportant dans ses flancs les plus belles productions artistiques de notre maniere nationale, ainsi que saltier, avec tin rien de sympathique surprise, eet• te alliance inattendue de Praxitele et de Stephenson.