1 FEBRUARY 1935, Page 15

Un hOpital gratte-ciel [D'un correspondent francais] Las services parisiens de

l'Assistance Publique ont, it y a huit jours, inaugure, en presence des autorites competentes

et des representants de la presse, rhapital le plus moderne qui soit actuellement an monde. Construit sur des donnees inconnues jusqu'ici dans l'architecture officielle francaise, le nouvel etablissement est destine a marquer une double date dans revolution de notre technique hospitali ere. Par son' emplacement d'abord, par sa conception ensuite. Le " Beaujon," en effet, ainsi nomme en souvenir du banquier de Louis XV, fondateur du vieil hopital auquel doit se sub- stituer le present edifice, domine de relegance de ses super-

structures la banlieue Nord de la metropole. II est, d'autre part, le premier hopital dresse, chez nous, sur le mod de des

constructions verticales, imitees des buildings d'Amerique. Double originality, qui merite d'être precisee quelque peu plus avant.

Jusqu'en 1984, la Direction de l'Assistance Publique avait hesite a edifier ses batiments en dehors des limites-theoriques de la capitale. De nombreux prejuges se heurtaient

rinnovation d'experiences tentees sur le terrain des faubourgs. On redoutait rincommodite de reloignement et les fatigues

du trajet ; on etait, en fait, il faut bien le dire, sous le sortilege de cet esprit de centralisation qui est si fort ancre au' cceur des administrateurs francais. 11 fallut l'engorgement pro- gressif de la plupart des quartiers intra-muros, pour que songeat a chercher, dans les espaces suburbains, l'ampleur, In lumi ere et l'air qui faisaient cruellement &Mut a rinterieur de Paris. Initiative feconde, qui se trouva puissamment secondee par l'extension recente de notre reseau metropolitain. Voici une armee environ que les rails du populaire " metro " ont commence a depasser la barriere fictive des anciennes fortifications. Les communications, jusqu'alors plutot difficiles avec la banlieue, se trouvent, de ce fait, grandement facilitees, et le programme d'agrandissement- methodique de. notre chemin de fer souterrain est venu apporter un encourage- ment precieux a ceux qui revaient du plus grand Paris.

L'autre evenement symbolise par la naissance du Beaujon est, en dehors de son apport a rurbanisme, l'audaee presque revolutionnaire de son architecture. En le creant, en effet, l'Assistance a renonce a la methode europeenne des construc- tions etendues en surface, pour s'inspirer des conceptions en hauteur cheres aux geometres d'outre-Atlantique. line immense muraille de douze etages, aux montants rectilignes, aux aretes wives et aux balcons vitres, d'un irreprochable dessin, telle est la masse imposante qui frappe les regards, des que l'on sort de Paris par la Porte de Clichy. On ne peut s'ernpecher, devant une telle perfection dans in temerite, d'evoquer par rimagination Pane etre lointain de redifice d'aujourd'hui ce premier hopital, bien nalf, Bien rudimen- take, mais genereux cependant, que fonds, a Lyon, en 542, le roi Childebert, fils de Clovis le Franc.

Qu'il serait stupefait, l'ancestral souverain, s'il se trouvait, sans transition, place face au gratte-ciel de Clichy ! Un batiment haut de 230 pieds, desservi par huit ascendeurs, recraserait de sa masse, point& dans le ciel an niveau des celebre.s tours de Notre-Dame ; un hall immense, supporte par de gracieuses colonnes sans chapiteaux, accueillerait sa curiosite surprise. Rayonnant antour de ce point central, it apercevrait les alveoles des services de consultation, &admis- sion, de pharmacie et d'economat. Puis, d'etage en etage, ce serait remerveillement d'une specialisation minutieuse poussee aux limites extremes du confort, de l'hygiene et de l'agrement. Toutes les chambres de malades sont exposees au Midi, cependant que les laborat,oires donnent sur le Nord, ainsi que les cabinets medieaux. Des teintes lumineuses et fondantes (chaque etage est peint d'une couleur particuliere : bleu ciel, beige tendre, saumon, rose pastel), viennent eclairer les salles, qu'- egaye encore, au chevet de thus les )its, une prise d'audition de T.S.F. Des perfectionnements techniques incomparables dans le domaine de la ehirurgie achevent, enfin, de faire du nouveau Beaujon l'un des lopitaux dont peuvent legitimement s'enorgueillir la science et la philan- thropic. C'est /it tine realisation qui fait le plus grand honneur it cet effort de solidarite sociale sans lequel in detresse humaine