20 JULY 1934, Page 12

NUITS DE LUMIERE

[D'UN CORRESPONDANT FRAKAIS]

LA mode est aux fetes nocturnes lumineuses. La Grande Quinzaine de Paris, qui vient de se terminer ces jours derniers, en a sans doute hate repanouissement, mais on pent affirmer que, depuis le debut de Pete, l'idee s'etait presentee a thus les esprits : donner a Paris des nuits de lumiere d'un 'éclat jusquIei inegale. La premiere. manifestation—qui denaeure, aujourd'hui encore, la plus reussie-Le.ut lieu le 30 Juin. Ce fut ce qu'on a appele : la grandee nuit de Longchamp, • Le cadre ideal du célèbre hippodrome se pretait, it faut l'avouer, admirablement Vaudace de l'entreprise projetee. Audace n'est point terme excessif, car il ne s'agissait rien moms que de faire courir, sous le feu des ampoules electriques, une serie d'epreuves hippiques, pour la premiere fois en pleine nuit. Or, la veiBe encore, sevissait un froid presque glacial. Les organisateurs risquaient un desastre. Il n'en fut, heureusement, rien. La journee du 30 Juin se trouva favorisee par un temps splendide. Et, le soir, un ciel clement, oa apparaissaient déjà des etoiles, etendit sur les pelouses et les frondaisons comme une soie bleue pointillee d'or.

Ce fut alors un spectacle incomparable, une fête unique de relegance, de l'art, de la technique et meme de la tradition. Car on pent bien le dire-7-le mode d'eclairage, etant Bien entendu, mis a part—ce festival nocturne evoquait, par dela les sleeks enfuis, le souvenir de Fouquet et des eblouissantes prodigalites de Vaux. De l'immense tente lumineuse, qui se dressait comme une nacelle rose sur le vert tendre du gazon, le coup d'oeil etait veritablement feerique : de demi-heure en demi- heure, tels des seigneurs de reve en casaques de brocart, des jockeys fantastiques, aux reflets multicolores, pas- saient, comme dans le vertige aile d'une ronde de Watteau, sous les Incurs laiteuses des festons lumineux.

Aux courses succederent un graeieux ballet des nymphes de l'Opera ; puis un feu d'artifice qui permit de decouvrir, entre les rosaces et les fusees, le moulin de Longchamp, la porte de Boulogne et jusqu'a la roseraie de Bagatelle. Ce fut, enfin, par les sentiers -paresseux, le retour d'une foule immense qui ne pouvait qu'a regret s'arracher a tint de magnificence.

La nuit de Longehamp ne devait - etre que le prelude d'une suite de festivites de meme ordre. Paris, depuis une vingtaine de jours, se pionge, des le crepuscule, dans des flots de clarte. Les deux forets qui lui font, lisiere, a ehaque extremite, semblent etre devenues le domaine de predilection de ces orgies electriques. Au Bois de Boulogne vierment de se derouler, sur le Lac -Inferieur, encaisse entre ses berges sylvestres, les fetes lumineuses du sport nautique, qui virent s'aceomplir de remarquables performances de hors-bords. Au Bois de Vincennes, d'autre part, le nouveau Zoo de Paris flamboie, chaque soir, de mile feux, qui fouillent l'ombre pour y mettre en lumiere les hardiesses des rocs et du belvedere geant, cependant que les fauves paraissent s'intriguer de l'ardeur brutale de ce curieux 'clair de lune.

Ajoutons que la Fete Nationale du 14 Juillet n'aura pas ete sans consacrer le iriomphe de relectricite. Pour la premiere fois, en effet, les deux plates-formes in- ferieures de la. Tour Eiffel ont ete, a cette occasion, ouvertes de nuit au public, afm de lui permettre d'embrasser du regard le panorama d'un Paris phos- phorescent depuis Montmartre jusqu'a Montparnasse, et de l'Etoile a Notre-Daine, R. L. V.