21 JUNE 1935, Page 20

Chiinp§-Elyses

[D'un correspondent fran5ais] L'AVENUE triomphale de Paris, Is celebre voie des Champs,. Elysees, subit actuellement une evolution exceptionnelle, laquelle parait d'autant plus digne de remarque, y a rarete a voir la physionomie d'un quartier ou d'une rue Se modifier de fond en comble pendant le cows' de yexistence.

moyenne d'un homme.; cc West, generalement, qu'apres un ou deux siecles, et grace a l'etude des archives et des pieces de bibliotheques, qu'apparaissent dans leur plenitude les bouleversements accomplis par Chronos. C'est, precisement, cette loi naturelle de lente stratification qui vient d'être transgressee, sur la plus belle art ere de Paris, a un rythme proprement vertigineux.

Le touriste qui faisait, iI y a trente ans, la promenade des Champs-Elysées, se demanderait, en revoyant aujourd'hui l'endroit qu'il admira jadis, si ses yeux ne le trompent point.

La metamorphose est-elle done si complete ? . ....Elle est totale, en fait, dans la partie comprise entre le Rond-Point et

la Place de l'Etoile. Les visiteurs de l'Exposition de 1900 ont sans doute conserve le souvenir de cette voie bordee d'hOtels particuliers aristocratiques et austeres. La circulation y &ail intense pendant la• jo lea voitures se readant au Bois de Boulogne trouvant la un chemin ideal ; d'ailleurs, pour se conformer aux- exigences de la mode du temps, la haute gomme "—scion l'expression argotique alors en vogue—ne pouvait,' sous peine de decheance, se dispenser de

parader en equipage ehoix a ce rendez-vous de l'elegance et du plaisir ; mais, le soir venu, tout mouvement etait suspendu ; nul promeneur ne frequentait plus ce quartier plonge dans le silence de la nuit.

Il en va tout autrement de nos jours : les hotels ont ete rases pour faire place a de luxueux magasins. Les grands cafés aux terrasses debordantes, les cinemas dont l'eclairage rutile en gammes variees et chatoyantes, les premieres marques d'automobiles du monde, les agences des prineipaux quotidiens, les comptoirs des plus puissantes banques inter- nationales, les maisons de couture en renom, les palaces aux architectures somptueuses se coudoient et rivalLent dans un deploiement de fasts; marque au coin de is mode de Paris.

On doit reconnaitre que ce lieu prestigieux n'usurpe point-- is renommee dont it jouit dans l'univers. Est-il, de l'avis meme de nos hides strangers, spectacle plus imposant, et en m erne temps plus gracieux, que cette avenue qui, sur un parcours de pres de deux kilometres, se deroule en une perspective d'une parfaite rectitude ? Elle s'ouvre, sur la Place de la Concorde, par deux imposants groupes de marbre, connus sous le nom de " Chevaux de Marly," qui furent sculptes par les deux freres Coustou pair omer le chateau de Marly et qui, en 1795, se virent transportes sur l'emplace- ment qu'ils occupent encore. De ce point, is voie monte, majestueuse, vers son glorieux couronnement, l'Arc de Triomphe, dont l'erection fut decretee par Napoleon, apres la bataille d'Austerlitz, le 12 fevrier 1806, et qui s'eleve, dominant Paris, au centre de la place oil ne convergent pas moins de douze avenues. Sous l'arc central de ce monument repose le Soldat Inconnu ; c'est la, aussi, que veille le coeur de la France enti ere, que la flamme du souvenir monte vers ceux qui offrirent km vie pour le salut de la Patrie et qu'eternellement s'evoquera l'inoubliable defile de la victoire des Allies. Tableau grandiose ayant pour fond, derri ere les Tuileries, la masse sombre du Louvre, ancestrale demeure des rois.

Peut-etre ne sera-t-il point interdit de rappeler ici que les Champs-Elysees ne furent mis a is mode que vers le milieu du XVIIIe siocle. En 1754, Louis XV ayant achete l'hotel du comte d'Evreux pour l'offrir a la marquise de Pompadour,• les. courtisans s'empress erent autour de la favorite et furent les assidus de cette demeure, qui, apres de multiples vicissi- tudes, est- devenue in residence actuelle du President de la Republique. C'est dans ce palais que Napoleon signa sca, abdication, he 22 juin 1815. Notons encore que is plantation de l'avenue des Champs-Elysees, qui portait alors le nom d' " Allee du Roule," fut Ordotmee par un arret du Conseil d'Etat du 24 aofit 1667. Les travaux furent executes, a partir de 1670, sous, In direction du fameux Le Notre, qui,

couvrit d'arbres en quinixince cette plaine fangeuse en hiver et poussiereuse en ete, laquelle de nos jours, brine,

par tons temps,. d'un eclat egalement vitt -.R. • L. V.