21 MAY 1937, Page 21

L'AVENIR DU PAYSAN

[D'un correspondant parisieni 7ENU pour la Pentecote, un ami anglais ne cessait d'admirer aci _burs de nos promenades les parcs a la francaise, avec !curs futaies rectilignes et lours tilleuls etetes. Nous protestions " Quand les Francais vont chez vous, c'est pour admirer ces parcs a l'angiaise oil vous laissez croitre les arbres sans les tondre. Ne serait-ce pas simplement la nouveaute qui attire, dans leur cas conune dans le Otte ? " Montrant les fermes que nous depassions, it interrompit " Jusqu'a vos paysans qui savent tallier les arbres." Il fallut lui expliquer que Jacques Bonhomme s'etormerait fort d'être pris pour un emule de Le NOtre, car s'il coupe ses arbres c'est tout bonnement pour avoir des fagots. Ainsi ennunee, la conversation roula sur la vie rurale et l'avenir du paysan. Notre ami y trouva grand interet ; peut-titre en sera-t-il de meme du lecteur.

On ne saurait nier la situation critique de ''agriculture. C'est tres inquietant, parce que la fatnille paysanne a etc une des grander forces du pays. Les remedes ne sont pas simples, en raison meme de I'origine du oral. Car, en plus de in crise universelle, la paysannerie souffre de sa crise propre ; le mor- cellement de la propriete y aidant, elle n'a pu alter aussi vice que le monde qui l'entoure. Il y a une cinquantaine d'annees site se suffisait encore ; elle pratiquait cette autarchic rant pretnee aujourd'hui pour les dictatures, mais qui est devenue impossible pour le petit groupe ou l'individu.

C'etait une autarchie surtout familiale. Le paysan cherchait a produire tout ce qu'il consommait—le froment pour son pain, le raisin pour son vin, le fourrage pour ses betes, aussi bien que ses pommes de terre et ses legumes. De meme taillait ses arbres pour avoir des fagots, le colza lui donnait l'huile d'eclairage et l'oeillette l'huile de table. II levait des ports, des potties et des lapin et n'allait point chez le boucher. Il cuisait son pain, distillait son marc, battait son ble au fleau, se chaussait de sabots. Comore concours exterieurs, it n'avait le soin que du meunier, du tailleur et du forgeron ; l'epicier • aussi de temps a autre pour le set et k sucre. Pour les payer, it vendait au bourg ce qu'il ne consommait pas.

Le metayage facilitait cette autarchic. Dana quelques jours l'Academie recoit M. Joseph de Pesquidoux ; c'est l'occasion de refire son Livre de Raison. II aidera a comprendre Is longue survivance de veritables petites republiques agricoles, qui routes se suffisaient. Le domain, c'est-i-dire le proprietaire et ses metayers, avait son charron, son charpentier, son forgeron, meme sa foire particuliere. Il avait parfois aussi son ecole et son eglise. C'etait un evenement que d'aller le vile.

D'annee en armee, in rapidite des communications, le perfec- tionnement de l'outillage, 'Invention du moteur 9 explosion, les applications de l'electricite modifiaient ces moeurs d'un autre age. Ce qui en restait encore it y a vingt ans ne put resister ni a in guerre ni a l'apres-guerre. Aujourd'hui, chez les cultivateurs, aucun individu, aucun groupement ne saurait se suffire. Pour vivre, au contraire, it faut accroitre In production, trouver de nouveaux debouches, 'utter contre in concurrence, c'est-i-dire proceder a une readaptation des choses et une reeducation des gens. C'est travail de longue haleine.

Les theoriciens preconisent, entre autres mesures, In generalisation de la monoculture et le remembrement des terres. Mais la monoculture necessite une transformation rotate des procedes, en pleine periode de mevente des produits agricoles. Quant au remembrement, le decks du chef de famille peut toujours entrainer un nouveau morcellement. Parmi les remedes it y aussi is cooperation, sur laquelle repose= beaucoup d'espoirs. Elle est inseparable du credit agricole et des caisses mutualistes ; le paysan se tourne vers I'Etat pour les alimenter, mais I'Etat repond qu'il n'a plus d'argent.

Pendant ce temps le cultivateur voit sans cease monter sea frais et bttisser ses recettes. Les jeunes partent sans id& de retour. Les vieux restent—par habitude. D'ailleurs, qu'iraient- ils faire a la vile ? Comore dernier espoir, its se groupent. L'Union des Syndicats agricoles vient d'annoncer, qu'ille represente maintenant 1,200,000 families de cultivateurs. Elk voit le salut dans k syndicalisme paysan corporatif."

reutsisse et tous applaudiront.