22 AUGUST 1958, Page 16

Deuxiemes hors de l'Anneau!

Monsieur, Mon attention a ete tiree a une serie de lettres publides par le Sunday Times, dont les auteurs sont all& a grandes douleurs afin de se moquer de la langue francaise. La formule adoptee par ces gens se base sur la traduction litterale en francais de phrases anglaises appartenantes ou a l'argot ou aux activites—comme, par example, le cricket- malheureusement peu connues en France. Ce n'est guere difficile d'elever ainsi des rires bon marchees en confectionnant des phrases comme '11 a casse son canard' (He has broken his duck) ou etait autrefois un assez utile vite chapeau melon' (He used to be quite a useful fast bowler).

respere, Monsieur, que personne ne me soup- connera de tirer une ligne en faisant savoir a vos lecteurs que, presque des ma naissance, j'ai pane le francais comme un indigene. Quoique ce soit une langue dont je tiens le plus haut avis, on doit admettre que c'est une langue plutot ridicule. Chez nous, on a reconnu depuis longtemps que les &angers (dont, naturellement, les Grenouilles) ont le droit de s'entretenir; et n'importe quel fine peut voir que c'est un peu trop d'esperer que les Francais apprendront tous l'anglais. Ce serait au dela d'eux, en tout cas. Mais fat-il vraiment necessaire pour nos voisins d'outre-Manche de penser en haut un tel petit dejeuner de, chien d'une langue?

Voila, malheureusement pour eux, ce qu'ils ont fait; les resultats suffisent pour faire rire un chat. Mais il devient les Anglais hes malade de frapper un homme quand il est duvet; et c'est dans une pareille lumiere qu'il faut regarder le triste chat auquel sont reduits ceux qui, ne savant pas mieux, se sont &barques eux-memes avec tin tel baragouin. Les Francais, neanmoins, portent en haut sous leur affliction avec un flegme tout a fait admirable. Pour moi, je leur fate mon chapeau; et je le trouve un peu epais de traiter en Tante Sarah leur facon, so loin-menee qu'elle doit nous paraitre, de parler.

Cependant que cela puisse etre, je m'etonne que personne ne semble avoir donne la pens& d'un moment aux consequences quasi ineluctables de cette gout-moins espieglerie. Ne l'a-t-on pas hisse dedans que ce jeu peut se jouer l'autre Vole rond? Imaginez-vous, Monsieur, l'effet p4nible qui se produiserait sur la colonie britannique en France si quelque loque parisienne se mettrait 4 imprimer des lettres dont l'objet serait de prendre le michel hors de la langue anglaise!

II n'est que trop facile de se figurer les cheval- rires qui s'entendraient parmi les lecteurs de betises anglophobes telles que la suivante : Sir, What-that I have fear of entering the lists a bit in retard, maybe you will permit me to relieve the glove which the Editor of the Sunday Times has let to fall with a yellow smile? Person would deny that every tongue possesses attributes of which one can make a game of massacre. I am not of those who demand only gashes and bumps, and I do not love the quarrels of a German. But since several weeks this Editor has made with jokes about my birthly tongue a veritable rally-paper, and it seems to me that the quarter of an hour of Rabelais has arrived. Well heard, all the world knows already that the majority of the sons of Albion speak French like a Spanish cow; but is it that this gives them the right to deconsider our national heritage? It is not the sea to drink to reverse the roles. . . .

Vous voyez, Monsieur, qu'aucune difficulte no confronte le regisseur d'une telle charade 6tymologique; c'est aussi facile que de tomber d'une bache. Je n'ai aucune hache a grincer dans cette affaire. Je ne demande que le foire-jeu pour tine nation fiere, afIligee (a travers nulle faute de son propre) avec tine langue biscornue et alam- biquee.

Parmi nous autres Anglais, soupire-t-il un homme a l'ame si morte qu'il ne s'est jamais- apres avoir, peut-etre, commande au/re Mar- tini, sivoupM'—donne un coup de pied pour lais- sant devenir rouille son frangais? (Et la m'eme . chose, maintenant que je viens d'en penser, s'applique hux Anglaise; benissez leures petites coeurs.) Brutaliser, ainsi qu'ont tente de faire les provo- cateurs auxquels le Sunday Times a donne la lumiere verte, la langue francaise n'est simplement pas sur. Ce n'est pas fait. C'est pire que fusiller, dans le ble qui se dresse, une faisane assise. respere, Monsieur, que vous saurez comment, dans les interets du copain-navire mondial et tout ca, vous en servir de cette lettre.

Vote sincerement,

STRIX