6 APRIL 1934, Page 13

LE REGIONALISME FRA.NcAIS

[D'UN CORRESPONDANT PARISIEN]

LE regionalisme a, de tons temps, eta vivace en France, mais it semble bien que nous assistions actuellement A un accroissement de sa puissance qui ne laisse pas d'etre significatif. Nous ne songeons pas, bien entendu, a faire allusion ici a l'aspect politique du regionalisme francais, dont certains tenterent, en le denaturant, it y a quclques annees, d'exagerer l'import- ance et qui se reduisait, au fond, a l'activite personnelle d'une poignee de meneurs. Le fameux "mouvement separatiste breton " dont on parla, en son temps, beau- coup trop, ne fut jamais que le reflet d'une agitation superficielle, aux mobiles evidemment factieux et que personae ne songea, un instant, a eonsiderer comnie redoutable ni meme, on pent le dire, a prendre au serieux. C'etait IA un " regionalisme " qui, en se colorant de pretentions a I'autonomie, perdait precise- ment tout caractere d'interet regional.

Bien difterents nous apparaissent, par contre, les multiples elements de veritable regionalisme qui, en ce moment, de tous cotes, donnent chez nous les signes probants d'une genereuse vitalite. Nous nous trouvons ici en presence d'une aetivite qui, en se limitant d'elle- meme au cadre harmonieusement synthetique de 14 nation francaise, demeurc sympathique an grand nombre, et ne cherche les raisons dc son succes que dans la qualite de son effort representatif. Bien qu'elle s'exerce dans les domains les plus imprevus, on pent, semble-t-il, tracer a son action, deux sillons principaux : l'un, si l'on vent, fictif et l'autre reel ; c'est a dire, Sc deroulant, le premier sur le plan de l'art, et le second sur celui, plus coneret, de la vie.

C'est ainsi que notre litterature s'est enrichic, ces derniers ans, d'une floraison d'oeuvres ou l'inspiration regionale se decele de la fawn la plus fortunee. Le cone provincial, notamment, a trouve en la personae d'artistes comme Henri Pourrat on Leon Lafagc des maitres a la plume talentueuse, chez qui la verve du terroir s'allie sans heurt au classicisme fonnel. Mais c'est peut-etre dans he domaine de la realite humaine que le regionalisme de France trouve actuellement sa plus remarquable expression. Les jours qui viennent de s'ecouler oat, en effet, vu se celebrer, dans un site entre tous grandiose, des manifestations qui suffisent a prouver la force de notre mouvement regional. La semaine de Piques a etc marquee, a Nice, par les " Fetes des provinces francaises." C'est dire que, pendant toute la duree des vacances pascales, des dele,gations pittoresquement costumees se sont rassemblees dans la capitale parfurnee de la Cote d'Azur. On s'est empresse sur le passage des corteges de chars, on s'est emerveille an spectacle de la bataille de fleurs, on a applaudi, le soir, les concerts de musique et de danse locales ; le Grand Bal des Pro- vinces, enfin, a cloture la serie des rejouissances. Mais le spectacle le plus curicux etait encore le defile indi- viduel des membres des divers groupements, qui reunis- sant des representants du Finistere et d'Arles, de Normandie et de Champagne, de Provence et d'Auvergne, permettaient de voir s'avancer cote a cote, sous la stridence des vielles et l'eclat des trompettes, coiffes de dentelle et chapeaux enrubannes. Sur la Promenade des Anglais, d'ailleurs, claquait l'echo inattendu de gros sabots campagnards . . .

Ajoutons que le public fut particulierement heureux de voir se meler, par tin symbolique hasard, It nos habits provinciaux les uniformes des marins britanniques, dont le croiseur mouillait dans la rade de Villefranche, et d'associer ainsi a cette resurrection du folklore national la presence et la pensee du grand peuple ami.