6 JULY 1934, Page 17

L'ENCYCLOPEDIE FRANCAISE

[D'UN CORRESPONDANT PARISIEN]

LE 31 Juillet 1932, au Congres International de l'Education Nouvelle, M. de Monzie, qui reps.& sentait alors la France, annoneait officiellement son intention de confier a un groupe de savants, d'ecrivains et d'artistes l'elaboration d'une Encyclopedic Francaise. Ce dessein repondait a un besoin universe'. Presque simultanement, l'Angleterre, l'Espagne, 1st Bel- gique, la Grecs; la Russie realisaient ou entreprenaient l'inventaire des connaissances humaines. La France, patrie de Diderot, se devait d'apporter it la euriosite intellectuelle de l'univers la collaboration de ses premiers esprits.

Deux armies s'ecoulerent. L'oeuvre, silencieusement, s'organisait, prenait forme et conscience. Et voici que, depuis quelques semaines, elle affirme vigoureusement sa vitalite et stadresse pour la premiere fois au grand public. Son actif bureau centralisateur, sis au 13 de la 'rue du Four, dans ce Paris si curieux et evocateur qu'est le Quartier Latin, publie d'elegantes plaquettes, fait inserer des articles dans les grands quotidiens et pro- longe son rayonnement en province par l'eloquence de brillants conferenciers. Ces jours derniers, enfin, vien- nent de paraitre deux brochures essentielles, dont l'une expose les caracteristiques du volume consacre a 1'Art, qui sera mis en vente l'an prochain, et l'autre esquisse les grander lignes du Plan general de l'Encyclopedie, arrete par M. Lucien Febvre, professeur au College de France.

II ressort de ce Plan que l'oeuvre entreprise sera tout a fait originale. Spirituellement, d'abord. L'Encyclo- pedie Francaise ne sera point, en effet, un dictionnaire alphabetique des sciences, des lettres et des arts. De pareils inventaires existent en abondance. La nouvelle oeuvre entend etre humaniste, d'abord. Elle vent, en une serie de vingt volumes in-4° de 500 pages s'etayant les uns les autres, dresser le bilan des activites que deploient, dans les domains les plus differents, les hommes d'aujourd'hui. Sa tache la plus urgente sera . de replacer, tete en haut, l'echelle renversee des valeurs. Au sommet, non les machines, ni les usines, ni les " rayons," faux dieux de tant Wares en qui renait une - mentalite d'idolatres. 'Vials, au sommet, l'homme dans sa dignite ; l'homme, force pensante et aimante, intro- - "duisant dans la dispersion des choses l'ordonnance de

L'originalite de l'Encyclopedie se manifestera aussi dans sa presentation materielle. Les volumes seront constitues par des fascicules emboites dans une reliure mobile, permettant de les remplacer instantanement. L'oeuvre echappera ainsi au destin de toutes ses devancieres, condamnees a perir quatre ou cinq ans apres leur apparition. Point de supplements encombrants, malaises a manier et a consulter. L'Encyclopedie se tiendra perpetuellement a jour. Au prix d'un abonne- ment modique, ses possesseurs la verront, grace a des feuilles nouvelles, publiees chaque armee, evoluer, dans son cadre originel, comme la savoir et les evenements.

L'Encyclopedie ne dressera pas seulement un bilan necessaire des realisations actuelles de l'humanite Elle luttera sainement contre le desarroi present des hommes et des choses. " Notre civilisation, ecrivait excellem- silent M. Marcel Abraham, le distingue delegue general la Propagande de l'oeuvre, ne resume pas seulement les machines, le mercantilisme, les batailles politiques. . . Ne convient-il pas de reagir contre un coupable oubli des valeurs veritables et contre la sterilite d'un pessimisme aussi injustifie que le serait un optimisme satisfait ?