7 JUNE 1935, Page 15

lioramage a Hugo [D'un correspondant fransais] PARIS et la France

tout entiere viennent de eilebrer avec emotion et ferveur le cinquantenaire de la mort de Victor Hugo. C'est le 23 mai 1885 que s'eteignait, en effet, le plus prodigieux poete qu'ait connu notre litterature. En ce jour memorable on put voir les murs du seizieme arrondisse- ment se couvrir de proclamations par lesquelles le maire local avisait ses administres de la disparition de l'illustre image. "Le monde vient de perdre Victor Hugo," disait-il. C'est un fait que le monde entier s'alfligea de la mort du demi- dieu. La capitale lui fit des funerailles inouies. Escort& des personnages les plus eminents que comptait le tout Paris d'alors, N depouille mortelle fut transport& sous la voate triomphale de l'Are des Champs-Elysées, oh la veilla, durant in nuit enti ere, une pleiade de jeunes ecrivains. Le lendemain, un peuple immense, recueilli et silencieux, accom- pagna jusqu'au Pantheon lc corps de celui qui, jadis, dans Fun de ses po ernes prophetiques, avait salue . . . . " Cette couronne de eolonnes

Que le soleil levant redore tom les jours."

L'hommage que rendirent simultanement au genie de Hugo et Petite et la foule tient, sans doute, a In surhumaine diversite de sa production. Son ceuvre est assez riche et puissante pour pouvoir satisfaire a la fois les curiosites de l'erudit, le dilettantisme des virtuoses et la sincerite des simples. Hernani et Gavroche, Jean Valjean et Olympio se rejoignent devant le souvenir universe!. La carriere si multiple de l'homme dont les activites furent inlassables, la longueur !name de sa duree, imposent a tous l'exemple d'une force predestinee, la rarete, surtout, d'une robustesse insigne, entre toutes eine par la fatalite. D'autres ecrivains sont pent-etre plus subtils ou plus &heats. Aucun n'a atteint a la plenitude de la vigueur hugolienne ; a son proteisme, moms encore. Celui qui definissait, dans les Feuilks d' Automne, son inspiration comme le reflet d'une

" ame aux mile voix, que le Dieu que j'adore

mit au centre de tout, eomme un echo sonore,"

a exprime, d'instinet, les desks, les angoisses, les regrets diffus de la masse par le simple effet de son intuition, de sa sympathie et de sa comprehension. Chef d'ecole, auteur dramatique, poete lyrique, elegiaque, epique ou primesautier, essayiste, romancier, satiriste et tribun, le proscrit de Guernesey, le chantre de l'Annee Terrible s'est identifie sans effort au genie de la nation. C'est lui qui, avec un elan dont est peu coutumier un peuple trop enclin a faire fi de ses vertus les plus eh eres, a &Wire la patrie francaise humiliee par la haine du vainqueur, dans une piece fremissante de fiere spontaneite

"Jo voudrais n'etre pas Francais pour pouvoir dire Quo je to choisis, Frarwe, et qua, dans ton martyr°, Jo te proclame, toi, que ronge le vautour, Ma patrie, et ma gloire, et mon unique amour."

Hugo &aft trop entier et trop imperieux pour n'avoir point, apres sa mort, subi, plus que quiconque, les reactions de Is critique et traverse avec amertume cc qu'il est convenu d'appeler "le purgatoire de la gloire." Les denigreurs ont tenth de jeter a bas le geant ; iN ont qualifie sa puissance de boursouflure, sa lyre de trombone, sa pitie de sottise. On a voulu faire de son ceuvre un 'leant sonore. Les aristarques ont ainsi condanme, du haut de leur insignifiance, l'animateur qui avait, non seulement sauve Is poesie francaise de la mievrerie, mais donne chez nous It l'art le choc createur du romantisme. Le grand public, fort heureusement, qui se soucie peu des jugements du Parnasse, continue a aimer Hugo. L'eclat des fetes qui viennent de se derouler, ces jours-ei, en est le plus bur temoignage. Une Antic compacte s'est press& dans thus les theatres ou le genie du maitre &sit evoque. Des applaudissements sans fin ont accueilli hi lecture de ses plus beaux poemes, ovations que, pour Is premiere fois, la radiophonie a diffusees jusque dans les promenades et les jardins publics, syrnbole touchant, par

R. L. V. dela mort; d'une unique popularite.