D6jeuners Sur L'Herbe
[D'un correspondant parisien] PAn,ts nest pas toute la France. Pour ne pas l'oublier, j'aurais voulu profiter des beaux jours pour reprendre coataet avec la province. • A la traverses de St Cloud je fus pris dans une kirk de communistes montant a Garches dejeuner sur l'herbe. J'arretai pour mieux les voir; je restai jusqu'au soir pour les voir encore. Le voyage, cc jour-la, fat court mais profitable.
: Le parti conununiste excelle a organiser les fetes familiales.. I,es dimanches d'ete it convie sea adherents a des parties de campagne. Its s'y rendent par milliers,. hommes, femmes et: enfants, charges de paniers de provisions. En ces . occasions . les communistes "se revelent gees" paisibles et de bonne Inuneur. Peutretre leurs jeunes hommes saluent-its . d,u poing avec un peu trop d'ostentation. Pent-etre tears bambins. sont-ils bien petits pour chanter l'Internationak, Maio,. somme toute, a part les insignes, ce sont des promeneurs
comme les autres. . , • . . •
Its sont correctement vertus. Les cravates rouges sont en. soie ; les . robes sont a In mode. Beaueoup viennent en autobus, mais beaucoup aussi en taxi. Certain montent tine motocyclette ; y en a mime plus. dun .qui conduit sa voiture. On apprendrait sans surprise gulls sont nombreux a posseder en banlieue un lopin de terre, une bicoque. Pnurquoi ces gens-la sont-ils communistes ?
II y a cinquante ans, a l'epoque oh, "revenant de la revue," Paulus faisait applaudir. le general Boulanger, e'etait a Longchamp que la foule dejeunait sur l'herbe. Par milliers egalement, hommes, femmes et enfants s'y rendaient avec leurs paniers de provisions. Eux aussi paraissaient heureux• et prosperes. La chanson precise qu'ils etaient " gais et contents" et qu'ils " acelamaient l'armee francaise.'! A part In coupe de leurs vetements et leurs moyens de logomotion, its ressemblaient fort aux communistes de Garches. Pour- quoi ces gem-la etaient-ils boulangistes ?
Malgre le demi-siècle d'ecart, fl y a des reponses communes aux deux questions. .D'abord une grande soif de paix. Vingt am apres 1870 on voyait cette paix dans In force ; vingt apres 1914 on voudrait l'obtenir du seul. droit. Ensuite un desir d'epurer les methodes de gouvernement Il y a cinquante am on etait las de la " politique de sousrveterinaires " denonce.e par Gambetta ; aujourd'hui on est las de la "politique de maquignons," toujours denoncee mais toujours renaissante. D'autre part le Francais .est rests frondeur—et ce n'est pas au centre que l'on pent fronder. Ajoutez a eels l'attrait ,de la nouveaute, le magnetisme des foules. Voila pour les ressemblances.
Ce qui distingue les. communistes des boulangistes c'eat rides!. Au cours de ce demi-siecle les consciences furent houleversees par l'Affaire Dreyfus, la religion fat bannie de l'ecole, l'Eglise fat separee de l'Etat. L'ecole religieuse endoctrinait a droite ; l'ecole laique endoctrine a gauche. Ce demi-siècle fat aussi celui de. Jean Jaures. On eitait sea discours dimanche a Garches. C'est naturel, car le tribun socialiste a marque dune empreinte profonde les masses francaises. En dehors des discours son oeuvre ne compte guere. L'homme d'etat etait nut, mais l'orateur etait hors pair. Il aida beaucoup a arnener ce changement .
En ce temps, un autre socialiste, Rene Viviani, dans une phrase restee célebre, demandait aux gauches par quoi elles remplaceraient au ciel les etoiles etehytes. Jaures lui repondait. De sa voix d'or it bercait, 1,es detress.es burnaines. Les mains se , tendaient very , rapotre de in cite future. L'esp_rit comprenait mal, mais c'etait aux setts que..,Taures s'adressait. tine nouvelle foi s'echafaudait sur son re'ye. Aujourd'hui le cycle est complet. 14toile rouge du Kremlin remplace l'etoile d'or des Rois Mages.
C'est aux sees troupes ,que s',adresse,nt les., .chefs corn- muniste.s.. Leurs troupes ne raisonnent pas ; elles obeissent. Ce n'est pas sans danger. Quells. voie les chefs veulent-ils suivre ? Oh entendent-ils s'arreter ? Jusqu'oh front les masses ? Obiront-elles toujours ? Trop souvent, en periode revolutionnaire, le monstre devore celui qui l'a enfants. II y a quelques, mois les chefs, communistes commandaient aux troupes de crier : La Rocque an poteau 1" Aujourd'hui l'ordre est de crier : " Francais, soyons tons freres ! " Que e.riera:t7on demain ? Au-dela .des Pyrenees, boulangistes et communistes crient ; " Sois mon frere, ou je to tue