RETRAITES PARLEMENTAIRES
[D'un correspondant parlsien] Nos deputes ont appris avec une certaine mesure de satisfaction qu'on parle en Angleterre de fonder uric caisse de retraite pour membres du Parlement. Leur satisfaction s'explique du fait que la question des retraites parlementaires a fait couler beaucoup d'encre en France, surtout depuis Is crise economique. Un résumé objectif de ce qui se passe chez nous ne sera pas sans interet pour le lecteur anglais puisque le projet doit etre discute A Westmithster a la rentree.
Si c'est l'Angleterre qui a invente le Parlement, la France aura montre le chemin aussi bien pour le paiement des deputes que pour la caisse de retraite. Des la convocation des Etats-Generaux A Versailles en 1789 le principe fur accept& de retribuer les representants de la nation ; aujourd'hui cela s'appelle l'indemnite legislative. Au debut cette retribution etait versee par jour de session. La Constitution de l'An III institua le paiement mensuel, qui est demeure jusqu'a nos jours. La Restauration n'admit pas le principe de l'indemnite, Louis-Philippe non plus. Elle fut retablie par le gouvernement provisoire apres la revolution de 1848. Le taux annuel etait alors de 9,000 frs., auquel it resta jusqu'a 1906. Depuis il a etc augmente progressivement pour atteindre 82,50o frs.
C'est en 1905, au moment precisement oir l'on parlait d'elever le montant de l'indemnite, que les deputes deciderent de fonder leur caisse de retraite. (Les senateurs en ont une egalement, mais pour simplifier cet expose nous ne parlerons que des deputes.) A l'origine it ne s'agissait que d'une tontine. On se proposait d'assurer aux cotisants une retraite annuelle d'un maximum de 2,40o frs. Mais les disponibilites resterent minimes et is caisse ne put jamais atteindre ce maximum. Il fallut changer de systeme. Iei une remarque s'impose : En Angleterre il est question de presenter un projet de loi ; en France il n'y a eu que de simples resolutions de la Chambre.
Le regime actuel date de 1914. Les deputes sont avares de details, mais certains chiffres donnes par les journaux au debut de cette =lee, lors du dernier relevement de l'in- demnite, n'ont pas etc dementis. Moyennant un versement mensuel de 900 frs. pendant deux legislatures, c'est-i-dire huit ans, le depute se tree le droit de toucher a partir de 55 ans et jusqu'it is fin de ses jours une retraite annuelle de 45,00o frs. S'il meurt au tours de l'exercice de son mandat, la famine (veuve ou enfants mineurs) touche une rente de 30,00o fn., quel que soit le montant des cotisations déjà versees. Le depute elu senateur peut cumuler les deux retraites a con- dition naturellement de verser aux deux caisses. II est evident que ces retraites ne sont pas en proportion des sommes versees. Si elle n'etait alimentee que de cotisations, la caisse ne serait guere plus prospere actuellement qu'au temps de la tontine. 11 tow faut d'autres rentrees.
En eff:t, elle est enrichie par " les fonds provenant des excedents de ressources " du budget de la Chambre. Car en vertu du principc de l'independance du legislatif vis-a-vis de l'executif, la Chambre a son budget propre, sans contrOle de l'administration des finances et sans verification de la comptabilite par is Cour des Comptes. La Commission de comptabilite presente un rapport. La Chambre l'adopte generalement sans debat. Il est rare de voir le gouvemement intervenir. Quelques lignes paraissent au Journal Officiel, mais depuis 1928 les rapports de la commission sont restes secrets. On commit bien le montant global du budget de la Chambre, mais c'est a peu pros tout. Neanmoins it va de soi que les " excedents de ressources " sont fournis par l'imp6t.
Nul ne conteste maintenant que dans une democratic le representant du peuple doit recevoir de quoi vivre dignement. Depuis 1906, quand l'indemnite legislative fut portee 15,000 frs. contre les protestations du public, les augmentations successives n'ont pas emu l'opinion. Il n'en est pas de meme de la retraite. Nul ne conteste aux deputes le droit d'etablir une caisse mutuelle de secours ; les critiques visent la participa- tion du Tresor dans des conditions qui demeurent assez confuses.
Le depute est-il investi d'un mandat ou exerce-t-il one profession Touche-t-il utte indemnite ou un salaire Est-il fonctionnaire pour pretendre a une retraite I laquelle participe l'Etat ? Toute la controverse est la.