ECONOMIES
ID'UN CORRESPONDANT PARISIENI
LA grande penitence qui, depuis de nombreux moil, s'annoncait, chaque jour, de plus en plus mena- eante, vient de s'abattre sur la France, avec la promulga- tion des decrets-lois du gouvernement. Dire qu'elle a etc consider& comme une surprise serait, pour le moires, inexact. Il y a longtemps que la nation en savait l'approehe ineluctable ; mais elle esperait pent-etre que son avenement serait moires brutal. L'opinion s'etait lentement habituee aux managements precautionneux des minist eres anteriems. Elle avait assiste, non sans tine sorte de satisfaction trouble, aux tournois parle- mentaires qui separaient les partisans de la deflation des amis de l'aventure. Elle n'avait eu jusqu'ici qu'a enregistrer des demi-mesures, des procedes temporisateurs plutot que des solutions franches, et, sans doutc, s'attendait-elle sans impatience a ce que continua cette politique de facilite. Les organes de presse qui osaient ouvertement pruner la compression des charges publiques se heurtaient a une opposition acharnee des forces syndicalistes. Prudernment, par des lois progressives, etagees sur pres de deux ans, les Chambres avaient enterpris une lutte timide contre les generosites financieres de la periode de prosperite. Des resultats tangibles, visant uniquement les categories moyennes et superieures du fonctionnarisme francais, avaient etc obtenus en mars 1984, mais un deficit inquietant persistait, de l'ordre de quatre milliards de francs. Et la confiance nationale hesitait encore a se donner pleinement.
Lc ministere " de tr eve, d'apaisement et de justice," constitue au lendemain des evenements tragiques du fevrier par M. Doumergue, vient de se decider energique- ment a porter le Ter rouge dans la plaie. Dedaigneux des directives temeraires que pronaient tour a tour les partis extrernistes, le Sage de Tournefeuille s'est resolu, dans le calme sentiment de ses responsabilites, a remettre de l'ordre dans la Grande Maison. Utilisant a }Mein les pouvoirs presque discretionnaires qui lui avaient etc accord& par les Chambres, le chef du gouvernement a obtenu du President de la Republique la signature de vingt decrets-lois qui, frappant, sans abattement a is base, l'ensemble des serviteurs, civils ou militaires, de l'Etat, ainsi que les anciens combattants et pensionnes de la guerre, lui ont permis de resoudre entierement le deficit du budget de 1934.
Ces mcsures categoriques, bien entendu, n'ont pas ad sans soulever une agitation assez vive dans le pays. II n'est pas conforme a la nature humaine d'accepter de galte' de coeur des restrictions imposees par la seule force d'une contrainte exterieure. Le temperament francais, au surplus, s'accommode assez mal de la discipline, en apparence tout an moires, et Napoleon le savait bien, qui avait sumomme ses meilleurs soldats les " grognards."
Un certain meeontentement se manifeste done actuelle- ment parmi les classes les plus nombreuses des fonetion- naires qui avaient, jusqu'ici, echappe aux reductions de traitements. Des troubles ont &late dans des centraus telegraphiques et telephoniques, et des tentatives de grave ont jets une perturbation particle dans la marche des services publics. Il semble qu'il ne faille point attribuer a ces protestations une importance symbolique. L'exemple donne par les anciens combattants, qui ont accepte, de leur plain gre, une diminution de 3% sur
Icurs allocations pour faits de guerre et blessures, n'a
pas etc sans faire reflechir salutairement ceux des agents .de l'Etat qui se refusent a chercher quelque mirage clans les reflets trompeurs de l'inflation. L'opinion du pays est prate, en son immense majorite, a soutenir le chef qu'elle s'est donne dans sa lutte droite et saine contre les hideurs de la banqueroute nationale.