3 AUGUST 1934, Page 12

LE SOUVENIR BRETON

[D'UN CORRESPONDANT FRANcAIS]

LA pittoresque petite cite francaise de Saint-Malo vient d'être le theatre de manifestations qui depassent, par leur ampleur et leur accent, la port& habituelle des rejouissances provinciales. II s'agit des fetes organisees par le Comite France-Amerique l'occasion du quatrieme centenaire de la decouverte du Canada par le pilote malouin Jacques Cartier. Ces fetes, qui ont obtenu un sueces considerable, ont permis de mesurer pleinement la valeur de l'amitie franca- canadienne, tout en s'accompagnant d'un hommage particulierement apprecie a l'adresse de l'Angleterre.

On sait dans quelles herdiques circonstances Jacques Cartier, parti de Saint-Malo a l'aventure, devait finir par atterrir au milieu des Hurons. Ii avait, sur sa frele caravelle, quitte "la cite corsaire," patrie de Surcouf et de Duguay-Trouin, le 20 avril, 1534. Le 24 juillet, II prenait possession du sol dans la baie de Gaspe, oh ii plantait une cmix de 30 pieds de hauteur, dont Peen fleurdelyse portait la devise : " Vive le Roy de France." Les Indiens lui firent bon accueil et deux d'entre eux, bientot acclimates, consentirent meme 5. suivre Jacques Cartier au eours de son voyage de retour a Saint-Malo. On imagine le succes de curiosite que suscita leur arrivee parmi les Malouins.

L'annee suivante, l'explorateur repartait avec trois navires et decouvrait la capitale huronne de Stadacone, qui devait devenir la future Quebec. Jacques Cartier, apres avoir soumis le pays, revenait 5. Saint-Malo, accompagne, cette fois, du chef indien. Celui-ei fut presente au roi Francois Ier, avec lequel ii cut une longue conversation. II expliqua notamment an souverain comment les Peaux-Rouges pratiquaient la guerre en se servant—déjà !—de gaz et de fumees empoisonnees ; explication qui, nous disent les memoires du temps, interessa prodigieusement Francois Ier.

Une nouvelle expedition fut decidee. Elle cut lieu de 1541 a 1542 et se termina d'une facon bien inattendue. Jacques Cartier avait era decouvrir des " pierres d'or," dont il avait empli dix barriques, avant d'appareiller en toute hate pour la France ; mais ces pierres n'avaient de l'or que l'apparence ; elles s'effriterent, pendant le voyage, en un tas de poussiere. La deception de l'explorateur fut immense, non moms que la desillusion populaire, a laquelle notre langage est sans doute redevable de la curieuse expression : faux comme un diamant du Canada.

En &pit de cc contre-temps, Jacques Cartier avait reussi un exploit exceptionnel, ainsi qu'ouvert les voies 5. une penetration mutuelle des deux continents. Et c'est la memoire du grand marin que se proposait de feter, ces jours derniers, sa vile natale, avec le coneours fraternel d'une importante delegation eanadienne. La jolie cite, toute pimpante 5. l'abri de ses remparts, s'etait par& de ses plus fiers atours : guirlandes a profusion, armoiries seculaires et arches triomphales. Les danses bretonnes alternerent mice les vieilles chansons d'Outre- mer, et une pieuse ceremonie se deroula dans la petite eglise oii Jacques Cartier avait prie pour le succes de son entreprise, avant de s'embarquer sur la " Grande Hermine."

Des discours, enfin, qui furent prononces, comment pourrious-nous ne pas extraire ces paroles du senateur- make de Saint-Malo, c:4 se fit entendre vraiment la note symbolique de ces fetes de l'amitie : " . . . Les siecles, depuis, ont fait leur oeuvre. L'Angleterre, la France et le Canada ont, A present, une assez belle et forte histoire pour .s'asseoir A la mime table et parler de cette affaire, les yeux dans les yeux, et la main dans la main. . .

R. L. Vi