- "Les Soviets Partout ! "
[D'un correspondant parisien.] L'IN-rEinaoxE ministeriel ne prendra fin qu'avec la publication de eette chronique. Au moment de l'ecrire deux questions restent done entieres : Queue sera in composition du cabinet Blum ? Quel sera son programme ? Toutefois, il a ete tant dit et tant ecrit depuis les elections qu'un observateur uttent if peut en tirer certaines conclusions.
y a quinze jours on pouvait discerner quelques innovation; politiques. Aujourd'hui ii parait probable que le ministere. Blum sera condanme it faire du vieux neuf. Ce ne sera pas la faute de son chef, mais des circonstances.
D'abord son cabinet, de mimic que ceux qui Font precede, s'elabore. scion la vieille formule du dosage : tant de voix, tant de portefeuilles. C'est In rancon des coalitions ; M. Blum n'y peut mien. Et si de son cote ii pourra nous presenter des ministres nouveaux, il sem contraint dc leur adjoindre des collegues radicaux ayant Mit &term toutes sortes de portefeuilles dims toutes sortes de ministeres.
Ensuite le programme. Sans aucun doute In deciuratioa ministerielle s'efforeera de rompre avec le passé; en menie temps qu'une declaration de principe cc sera un appel au combat. Mais, tout eompte fait, cc ne sera que litterature. Aujourd'hui il n'y a que les problemes financiers et economiques qui comptent. Sur cc chapitre M. Blum s'est déjà engage ; il a promis de reduire les economies et d'augmenter les depenses. Or il est avere que la caisse est vide et que le contribuable est
it bout de souffle. C'est done pour M. Blum he meme choix de solutions qui troublait ses devaneiers --inflation, deflation, devaluation, confiscation ou banqueroute.
On assure que M. Blum a milri son plan, gull suit fort bien oa ii veut slier. Cela it'a pas lieu d'etonner. Nul nc doute de l'intelligence du chef socialiste. Pendant de longues minks &opposition il a pu voir it l'oeuvre bien des cabinets. 11 a pu apprecier leurs diffkultes. II a pu se preparer pour le jour oli ii serait appele au pouvoir. Dans sea meditations il a concu an plan. Lui permettra-t-on de l'appliquer? Tout est la. Et il ne s'agit pas de l'opposition nails de ses propres troupes coalisees.
Considerons lei notre titre : "Lea soviets partout ! " rest le cH de ralliement de nos communistes. Its doivent dire volontiers slogan, pour en souligner Ia modernite. En realite cc n'est encore que du vieux neuf.
Certes it est nouveau de Noir en France, comme cela vient de se produire dans la banlieue parisienne, it Amiens et ailleurs, des ouvriers se saisir des usines tant que les patrons n'auront pas accepte leurs conditions. Si paisibles que deineurent ccs grevistes, leur procede ne rnanque pas d'inquieter. Pourtant cc n'est que l'extension d'un systeme qui naquit chez nous avec le regime democratique.
"Les soviets partout ! " Nous les avons eu bien avant la Russie. Les clubs sous la Revolution, le comite de salut public, les commissaires aux arinees—autant de soviets. Les delegations des gauchos sous Emile Combes, les comites elector- aux, les commissions permanentes de la chambre et surtout celle des finances-- autant de soviets.
Maintenant, avec l'avenement des socialistcs an pouvoir, cc sont leurs allies du Front populaire qui reclament de nou- veaux soviets. La Confederation Generale du Travail voudrait etablir un super-gouvernement pour contriller l'oeuvre eco- nomique du cabinet, tandis que les communistes preeonisent la creation dune commission politique (bins chaque commune.
Déjà en matiere administrative les Francais se divisent en contrilleurs et controles. En matiere politique nous nous aeheminons vers un regime oii il n'y aurait que des surveillants et des surveilles. Avec "lea soviets partout," l'agitation et !Intrigue auraient beau jeu et l'impotence du gouvernement et du parlement ne ferait que croitre. L'histoire nous apprend que quand il s'agit d'epuration," un pun trouve toujours tut plus pur qui l'epure.
Tout indique que M. Blinn sent he danger. Pourra-t-il dominer scs troupes ?