La Crise Du Parti Socialiste Francais (D'uN CORRESPONDANT FRANSAIS.) C ETTE
crise est reale et s'illustre d'un certain nombre de faits qu'il convient tout d'abord de rappeler. Dans un scrutin intervenu a la Chambre des deputes, le 28 fevrier, 104 deputes socialistes voterent pour le gouvernement qui demandait un sacrifice financier reduit aux fonctionnaires, et 20 se prononcerent contre cette mesure. Cette division du groupe parlementaire provoqua la &mission retentissante de son president M. Leon Blum, et it fut decide de soumettre ce conflit l'arbitrage d'un congres national du parti qui fut Convoque pour les 16 et 17 Avril a Avignon. Mais avant meme que ce congres se reunit, une nouvelle division des suffrages parlementaires devait se produire. Le 14 Avril, 90 deputes socialistes voterent les credits militaires pour empecher la chute du xninistere Daladier, tandis que 29 s'abstenaient et que 10 seulement votaient contre.
Ces deux votes attestent, dans le groupe parlementaire, deux tendances : l'une, celle de la majorite; qui consiste a soutenir le gouvernement, meme en subissant des exigences contraires a la doctrine ; l'autre, celle de la minorite, qui consiste a sacrifier le: Cabinet Outfit que de transiger stur les principes.: Ce conflit de tendances fut done somnis a l'arbitrage des delegues des federations departementales, c'est- dire des " millitants " et, an congres d'Avignon; apres seances assez orageuses, les minoritaires groupe parlementaire triompherent par 280'7 naandats contre 925: Les situations se tronVaient ainsi renversees et l'on pourrait croire, a premiere vue, que le vote du congres d'Avignon prouve que les elus ne sont plus a l'unisson de leurs electeurs. La verite est sensiblement differente, mais elle n'apparait que si on analyse l'origine des deux tendances que nous avons definies.
Cette origin est d'ordre electoral. Parini les quelque 180 membres que comprend le groupe parlementaire socialiste, 90 ne -furent elus qu'au second tour de. scrutin, et grace au desistement de leurs concurrents radicaux- socialistes. Its doivent done tenir compte, au moms dans une certain mesure, de ces elements bourgeois, proprietaires terriens pour la plupart, qui, par esprit de discipline democratique, leur accord erent leurs suffrages. _ Quel que soit leur attaehement au programme de leur parti et menie leur deference pour les comites social- istes qui les ont aceredites, ils se sentent enclins aux concessions envers le parti voisin oa se reerutent les electeurs dont depend leur reelection.
L'autre section de 40 deputes environ qui fluent elus au premier tour de scrutin represente, en general, des circonscriptions ouVrieres oil le colleetivisine orthodoxc est beaucoup plus en faveur. Pour ces elus, l'adversaire a redouter n'est pas a droite; inais -a gauche. C'est le comMuniste. La prudence consiste done I ne pas faire aux. partis 'bourgeois, meme an paiti radieal-socialicte, des concessions -qui pourraient lui etre imputies cornine la rancon de• faVeurs gouvernementales: --Cc rapide apercu sur-les -origines- electorales grol'Pe parlementaire socialiste explique, au moms en partie, l'attitude, de in majorite des elus et sa condamnation par la majorite du Congres ou ne sont represent& que les militants. Les chefs reconnus des deux sections sont M.M. Blum et Renaudel. A la Chambre c'est Renaudel qui l'emporte, mais devant le Congres, la cause est jug& en faveur de M.131um.
La resolution votee par le Congres reprouve in politique de soutien et preserit une politique de pression. Quelles en seront les consequences pratiques ? Faut-il prevoir qu'au premier tournant dangereux, le Ministere Daladier se trouvera prive de l'appui socialiste et subira le sort du Ministere Herriot en decembre 1932, et celui du Ministere Boneour en fevrier 1983 ? Ce n'est pas certain. M. Renaudel et ses arnis ont deja, fait connaitre qu'ils ne :se preteraient pas a un jeu de massacre des gouvernements republicains, estimant que cette politique cst dommageable, dans les circonstances presentes, aux chances de paix qui s'offrent encore a l'Europe en partie courbee sous le poids des dictatures. C'est dire que de nouveaux incidents parlementaires sont a prevoir.
Mais alors faut-il envisager la= scission ? Le Seer& taire-general adjoint du parti l'a fait entrevoir comme l'issue normale de la crise. M. Renaudel s'est affirme convaincu que l'unite pourrait etre maintenue. M. Blum . exercera sans doute son autorite en vue de rapprocher les deux fractions. Mais ce ne sera pas chose facile.