4 MAY 1934, Page 12

LE ZOO DE PARIS

[D'UN CORRESPONDANT FRANcAIS]

LES touristes qui vinrent si nombreux, ii y a trois ans, vim-ter les pavilions coloniaux de l'Exposition de Vincennes n'ont, certes, pas oublie le jardin zoologique, qui avait ete, a cette occasion, amenage sous les ombrages de la Mare foret. Ses dimensions n'etaient pas des plus vastes, et il n'aurait pu, sans exageration, Sc comparer aux grands pares de Hambourg ou de Londres. Mais il y avait, dans la technique de son installation, une nouveaute de conception qui frappa vivement tous les spectateurs. Et le public prit un plaisir si manifeste se rendre au nouveau Zoo, que les organisatcurs deciderent, non sans raison, de poursuivrc leur oeuvre, en &pit de la cloture, si tot survenue, de l'Exposition.

La tAche a ete si energiquement men& depuis 1931, que l'on envisage, pour le courant du mois de juin prochain, l'inauguration officielle, A Vincennes, d'un pare qui sera, de l'avis meme des techniciens, le plus moderne d'Europe. D'une superficie de quatorze hectares, dont la base longe les rives nonchalantes du lac Daumesnil, il sera surtout remarquable pour la qualite artistique de sa presentation et le modernisme hardi de ses amenagements.

Resolument attaches a la theorie feconde qui proscrit, comme inesthetique et &suet, l'emploi de cages-prisons, • oA les animaux font figure de condanmes a l'immobile ennui des decrepitudes, les dirigeants du Museum de Paris se sont evertues, avant tout, a creer une illusion de nature et de liberte. Tousles animaux, quels qu'ils soient, evolueront dans des decors savamment maquilles et puissamment evocateurs. Un rocher de 70 metres de haut—plus eleve que les tours de Notre-Dame—et qui, tombant A pie sur les frondaisons des sapins, sera reserve aux aerobatiques chamois, se dressera, des Pentree du jardin, comme le symbole pittoresque de l'effort d'adaptation realise. Les cages, oa les fauves rentreront,.le soir, chercher le repos, apres avoir, tout le jour, bondi librement a travers des rochers, separes des visiteurs non par des grilles mais par d'infranchissables ravins, seront soigneusement dissim- ulees aux yeux. Ii ne sera, A aucun moment d'ailleurs, necessaire quo les gardiens y penetrent. Tous les accei- soires seront aisement manecuvres de l'exterieur, et l'entretien des hetes sauvages s'effectuera ainsi sans le moindre risque pour les soigneurs.

Mieux encore. Semblables en cela A des acteurs dont la loge rev ele les preferences et le gont particulier, les *animaux trouveront dans leurs cages respectives des dispositifs specialement etudies pour repondre A leurs exigences instinetives. C'est ainsi que les girafcs, dont le con, pour etre generalement eleve, n'en est pas moms de longueur tres variable, seront dotees de mangeoires et d'abreuvoirs extremement ingenieux, de hauteur reglable et coulissant dans des barres verticales. Quant aux elephants, dont l'humeur- debonnaire s'accompagne souvent de malices genantes, ils se verront loges dans des rotondes aux murs absolument lisses et nus, qui n'offriront pas le plus petit bouton electrique, ni le moindre robinet, aux caprices de leur trompe insidieuse.

Le nouveau Zoo, qui sera enfin digne d'une capitale, jusqu'ici pen favorisee sous ce rapport, est appele attirer une foule considerable. Les Parisiens, qui etaient contraints de se presser devant les miserables grillages du Jardin des Plantes, se rendront sans aucun doute avec joie dans le dornaine spacieux qui va etre incessamment ouvert a leur curiosite, et l'on ne pent que redouter, pour juin, le peril d'une affluence excessive dans l'ascen- seur altier qui gravit, de l'interieur, le piton rocheux des chamois.