Sur l'Empire Colonial Francais
Lll'UN CORRESPONDANT FRAINAIS.] LE discours que Monsieur Albert Sarraut, Ministre francais des Colonies, prononca ii y a huit jours, sous les auspices de l'African Society, a attire rattention sur l'Enapire Colonial francais dont Lord Buxton crut devoir dire que peu de gens ici se rendent compte de son etendue et de son importance.
On a bien voulu me demander de consacrer a cc sujet ma modeste etude bi-mensuelle sur la vie franeaise. C'est avec empressement que je reponds a eette requete, Je n'aurai pas routrecuidance, etant Francais et devant, par definition, ignorer la geographic, de m'attarder ici sur l'aspect technique d'unc tclle question. Tous les lecteurs de cette revue, au niveatt intellectuel si Cleve, savent en effet qifon peut appliquer au domaine colonial francais le mot de Charles Quint sur les possessions de In Maison d'Autriche, et qui est encore plus exact en cc qui coneerne rEmpire britannique, S savoir : que lc solcil Ile se eouche jamais sur nos terres.
Par St. Pierre et Miquelon, les Antilles et la Guyane, nous avons elu domicile dans les trois Ameriques ; l'Indo-Chine et nos comptoirs de l'Inde font de nous une puissance asiatique ; nous sommes en Oceanic ayee la Nouvelle-Caledonie et quelques autres Iles ou ilots. Quant a l'Afrique, notre drapeau y flotte au Nord, en Algerie et en Tunisie ; a l'ouest, au Maroc et au Senegal; a l'est sur la cote des Somalis ; au centre, dans le Soudan et le Congo ; au Sud, a Madagascar. Et nous laissons volontairement de ate les territoires it mandat.
Cet Empire n'a point, certes, l'etendue de l'Empire Colonial anglais, mais sa superficic n'en est pas twins de 10 millions de kilometres carres, soit vingt fois enyiron eelle de la France, et sa population de 55 .millions d'habitants c'est-it-dire pres d'une fois et demie mile de la metropole. C'est done le second Empire du monde, et une des earacteristiques essentielles des posses- sions coloniales francaises, e'est leur diyersite : un des plus grands deserts : le Sahara ; quelques tins des plus grands fleuves; he Congo, le Niger, le Mekong ; de hautes montagnes. d'immenses forets, de riches plantations, des produits divers, toutes sortes de races etc. . . .
Mais cc que je voudrais sttrtout analyser de l'Empire francais, c'est son cote Immain. La France a toujours colonise sans hate, avec le dessein d'associer le temps a son oeuvre et de tie point froisser ses nouveaux associes. Elle a mis dans sa politique coloniale quelque chose de la lenteur sage de ses paysans et surtout de ses laboureurs.
Je ne reviendrai pas, apres Monsieur Albert Sarraut. stir le parallele qu'il a traee des methodes colonisatriees francaises et anglaises. Je voudrais surtout relcver que l'esprit franeais, heritier de l'esprit romain, it tendanee it se rapprocher de l'indigene et A en faire progressivement un Francais, ainsi que he pmuye cc qui s'est passe aux Antilles, a la Reunion et mettle an Canada oa, des le debut de la colonisation franeaise, ii y cut un metissage assez accuse de Francais et de Peaux-Rouges. Pour In meme raison l'esprit franc:ids a abouti A une conception unitaire, tandis que reprit anglo-saxon, hostile d'instinet au croisement des races, a evolue yers la conception d'un Empire forme de pays juxtaposes qui, apres un certain nombre de stades (revolution acquierent tine autonomic plus .ou moins complete dans un cadre federal. La politique delinie dans le derider Livre Blanc, an sujet de l'Inde, 'est tine illustration eclatante de cette methodc.
Dans une etude till pen approfondie, ii serait d'ailleurs facile de montrer que les (helix politimies, l'anglaise et la franeaise, tout en procedant d'un 'mane esprit de liberalisme, couyrent toute In gamine des conceptions coloniales et se completent ainsi tres heurcusement ; de telle sorte que si le monde echappe aux bouleverse- ments qui he menacent, tine collaboration Ctroite des deux pays a des chances de porter ses fruits dans rayenir commc dans lc passe.