16 JULY 1937, Page 17

L'ART FRANCAIS

[D'un correspondant partsienj

MiNtE si l'Exposition restait inachevee le jour de sa fermeture, meme si certains pavilions n'ouvraient jamais, it y a des main- tenant une merveille qui a elle settle vaut le voyage, d'autant plus qu'il est probable que bien des =tees s'ecouleront avant que nous puissions la revoir. II s'agit des chefs-d'oeuvre de l'art francais du quatorzieme siecle a nos jours, reunis dans le nouveau Palais des Beaux-Arts. Ce monument, ainsi que le Trocadero renove, restera aux Parisiens quand " Expo. 37 " ne sera plus qu'un souvenir, mais les tresors qu'il renferme retourneront aux collections dont ils ont etc distraits pour quelques mois.

L'originalite de cette reunion c'est que le Louvre n'y a contribue que quelques dessins. Les peintures et sculptures proviennent toutes de province ou de retranger, tant de musees que de collections privees. Isolees, elles n'en restaient pas moms chefs-d'oeuvre, mais souvent mal exposes dans de modestes galeries ou inaccessibles chez des particuliers. Ensemble, choisies avec discernment et disposees avec methode, elles forment un admirable résumé de six siecles d'art francais.

En meme temps s'ouvraient au Petit Palais—ce legs de l'Exposition de rgoo—une reunion de toiles des maitres de l'art independant et, dans d'autres galeries, celles des maitres populaires de la realite et de la naissance de l'impressionisme. A Paris aujourd'hui le touriste epris d'art—qui, lui, n'aurait pas de raison de delaisser le Louvre—pourrait donc passer quelques semaines profitables . . . tout en oubliant la crise. Il repartirait avec use comprehension plus vive des oeuvres du passé, une perception plus nette de la continuite du genie a travers les divisions arbitraires en ecoles ou en groupes. Mais que penserait-il du present ? Et de l'avenir Pour se former une opinion il ne manquerait pas d'aller d'abord au Salon ; ensuite il rechercherait, au hasard des sections de l'Exposition, certaines commandes officielles, vastes toiles decoratives ou le peintre retrace les progres de relectricite ou celebre les bienfaits du gaz d'eclairage. Il y a tout lieu de craindre qu'il en sortirait dew de tant de banalite. Car il faut bien l'avouer : le banal predomine aujourd'hui, aussi bien en peinture qu'en sculpture. Naguere chaque salon conservait encore sa note propre ; il y avait encore des " pompiers " et des " fauves." Aujourd'hui Artistes francais et Societe nationale sont si bien manes qu'un unique catalogue leur suflit, tandis que le Salon d'Automne et les Ind ependants tendent a les rejoindre. D'abord chaque groupement s'est fige dans une formule, puis ces formules se sont fondues dans une semblable monotonie.

On ne parait meme plus conger a " epater le bourgeois." II n'y a pas lieu, certes, de regretter repoque oil des rapins trempaient dans un pot de peinture la queue d'un ane qui, a son insu, produisait un " paysage realiste," alors qu'une boite de sardines equilibree sur une pyramide figurait parmi les sculptures. L'art n'avait rien a y voir. Mais a cote des succes de scandale une " fauve " de temps a autre s'imposait avec eclat. On peut voir au Petit Palais les meilleures oeuvres de ceux qui, au debut du sieck, agitaient l'esprit des jeunes artistes. Ici non plus il n'y a pas solution de continuite ; s'ils ont du genie, le " fauve " et le classique peuvent se donner la main. C'est vrai egalement du cubisme, qui commence maintenant a dater, malgre son epanouissement d'apres- guerre.

Depuis, pendant que les maitres encore parmi nous con- tinues de s'affirmer, les jeunes semblent incapables d'echapper au classement dans une de ces deux categories : ceux qui fa'tonnent toujours et ceux qui se contentent de demarquer les procedes de leurs sines. Chez ces derniers, routiniers et artificiels, il serait vain de chercher trace d'inspiration malheureusement, ce scot les plus nombreux. C'est sur les autres qu'il faut fonder nos espoirs. Pour le moment l'avenir parait assez terne. Mais que compte une generation dans l'histoire de l'art ? Pour quelques toiles maitresses rassemblees au Palais des Beaux-Arts, combien n'y eut-il pas de cranes au cours de six cents ans ? Ilya des " pauses " en art aussi bien qu'en politique. Soyons certains que dans cinquante arts, a " Expo. 87," nos petits-fils admireront les chefs-d'oeuvre d'une ecole encore a naitre.